Obésité et flore microbienne: un lien étroit

20/06/2011
Article

Le 29 avril dernier avait lieu le second meeting annuel de la Belgian Nutrition Society. L’un des points abordés lors de ce congrès portait sur le lien potentiel pouvant exister entre la flore intestinale et l’obésité ou le syndrome métabolique.

Une flore intestinale modifiée

Voilà maintenant plusieurs années, Jeffrey Gordon et son équipe de la Washington University aux Etats-Unis démontraient que la transmission de la flore intestinale de souris obèses à des souris de poids normal et sans microbiote intestinal induisait chez ces dernières un accroissement de l’extraction énergétique des aliments ingérés et une prise de poids plus importante par rapport à la transmission d’un microbiote provenant de souris dites «minces».

En outre, il a récemment été démontré que les personnes obèses présentaient une flore intestinale modifiée avec un déséquilibre du ratio Firmicutes/Bacteroidetes qui serait de 100/1. Il redescendrait à un rapport de 10/1 avec la perte de poids, en raison d’une augmentation de la proportion de Bacteroidetes lors de cette dernière.

Lien entre alimentation, flore et obésité

Il est maintenant clairement établi que la consommation chronique d’une alimentation hyperlipidique contribue au développement à long terme d’une obésité et/ou d’un diabète de type 2.

Ces derniers sont, quant à eux, associés à un état inflammatoire de faible intensité. Les causes de cette inflammation trouveraient leur origine dans la nature de la flore intestinale. Il a été démontré que le microbiote intestinal pouvait contrôler la perméabilité de la barrière intestinale.

Chez le sujet obèse, cette perméabilité est augmentée avec comme conséquence le passage de molécules pro-inflammatoires telles que certaines endotoxines, des lipopolysaccharides (LPS) produites par des bactéries Gram négatives présentes dans le tube digestif. Il s’en suit donc inévitablement un accroissement du taux plasmatique de LPS, impliqué dans le développement de l’état inflammatoire chez le sujet obèse.

Des travaux ont également montré une modification du tonus endocannabinoïde (eCB) chez les sujets présentant une obésité ou un diabète de type 2 (augmentation des taux d’eCB plasmatiques et tissulaires, altération de l’expression du récepteur CB1). Or, le système eCB participe notamment à la régulation de la lipogenèse et de la prise alimentaire. Des études menées récemment ont démontré que le microbiote intestinal avait un rôle majeur à jouer dans le contrôle du tonus du système eCB.

Une alliée dans la gestion de l’obésité?

De plus en plus d’études soulèvent l’importance de la flore intestinale dans le contrôle des troubles associés à l’obésité par le biais d’une amélioration de l’intégrité de la barrière intestinale et d’une régulation de la perméabilité de celle-ci.

Plusieurs stratégies peuvent être envisagées pour modifier la composition du microbiote intestinal, comme la consommation de probiotiques et/ou de prébiotiques. Des données issues de travaux récents ont notamment démontré un bénéfice potentiel de l’accroissement de certaines espèces de bifidobactéries dans le tube digestif (par la consommation de fibres prébiotiques spécifiques) afin de réduire l’impact du microbiote sur la perméabilité de la barrière intestinale, sur l’endotoxémie métabolique, sur l’inflammation hépatique et systémique ainsi que sur les troubles de l’homéostasie du glucose.

Les mécanismes responsables de l’amélioration de l’intégrité de la muqueuse intestinale font également appel à l’augmentation de la production endogène de Glucagon-like Peptide-2 (GLP-2), une hormone impliquée dans le développement de l’épithélium intestinal. Plusieurs études ont montré que le GLP-2 entraînait une restauration de la fonction intestinale dans différentes situations (résection intestinale, nutrition parentérale induisant une atrophie de la muqueuse intestinale, maladies inflammatoires de l’intestin,...). Cette hormone verrait également sa production augmenter lors de changements induits par la consommation de prébiotiques spécifiques, ce qui renforcerait encore le maintien de l’intégrité de la barrière intestinale.

Enfin, comme dit précédemment, la flore intestinale exercerait également un rôle majeur dans le contrôle du tonus du système endocannabinoïde et plus précisément sur l’implication des récepteurs CB1 dans le maintien au long cours de l’intégrité de la barrière intestinale chez le sujet obèse. Il semble donc que le maintien d’un microbiote intestinal «optimal» ait un intérêt certain dans la gestion de l’obésité. Il serait donc intéressant d’accorder une importance particulière à ce dernier à l’instar des autres stratégies de prise en charge de l’obésité. Des études futures nous permettront d’approfondir les connaissances dans ce domaine.

Adrien Loreis

Références:

Bäckhed F. Relationship between gut microbes and metabolic syndrome – obesity as an infectious disease? Présentation faite lors du second meeting annuel de la Belgian Nutrition Society. Bruxelles. 2011

Cani P, Delzenne N. Impact du microbiote intestinal sur la perméabilité intestinale et les désordres métaboliques liés à l’obésité. Louvain Med. 2010 ; 129 (3) : S8-10.

Cani P. Targeting the gut microbiota by prebiotics to control low grade inflammation associated with obesity and associated disorders. Présentation faite lors du second meeting annuel de la Belgian Nutrition Society. Bruxelles. 2011

Everard A, Lazarevic V, Derrien M et al. Microbiota profiling identifies gut microbes that shape metabolism in obese mice fed prebiotics. Présentation faite lors du second meeting annuel de la Belgian Nutrition Society. Bruxelles. 2011

Geurts L, Van Roye M, Muccioli G et al. Role of endocannabinoid system in the developement of adipose tissue and glucose homeostasis metabolic disorders associated with obesity. Poster exposé lors du second meeting annuel de la Belgian Nutrition Society. Bruxelles. 2011

Institut Français pour la Nutrition (IFN). Petit-déjeuner scientifique de l’IFN. En quoi l’équilibre de notre flore intestinale influe-t-il sur notre santé? 30 avril 2009. Article en français consulté en mai 2011.




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