Allergie au lait de vache: le rôle des protéines

20/05/2011
Article

Les allergies alimentaires chez les enfants ont une fréquence estimée entre 0,3 et 8%. C’est chez les enfants de moins de deux ans que leur fréquence est la plus élevée. Ensuite, cette fréquence diminue avec l’âge. Il n’y a pas de risque plus élevé dans un sexe que dans l’autre, ni dans une race que dans une autre. La plupart des allergènes alimentaires sont des glycoprotéines résistantes à la chaleur auxquelles elles sont soumises au cours de la préparation des aliments. Elles résistent aussi à l’acidité gastrique et aux enzymes digestives.

Question de structure

Le lait de vache, par exemple, contient plus de 20 fractions protéiques, dont près de 80% sont des caséines, qui sont considérées comme faiblement allergéniques. Néanmoins, elles sont allergéniques et les cas d’intolérance ne sont pas rares. Les autres sont des protéines globulaires, parmi lesquelles ont peut citer la lactalbumine, la lactoglobuline, l’albumine sérique, etc. Ces protéines globulaires, en particulier la lactoglobuline, sont au contraire nettement allergéniques en raison de leur structure particulière, qui est compacte. Mais il faut savoir que les sensibilisations multiples sont très fréquentes : elles représentent environ 75% des cas d’allergie aux protéines du lait de vache. La présence de lait de vache dans l’alimentation maternelle peut suffire dans certains cas à sensibiliser son enfant si elle l’allaite. Certaines des protéines en cause ou leurs épitopes peuvent en effet se retrouver dans le lait maternel après prise par voie orale par la maman. L’intestin du nouveau-né est relativement perméable. Certains allergènes introduits dans son alimentation peuvent être transportés intacts à travers l’épithélium intestinal suite à leur liaison avec certains lymphocytes présents au sein même de cet épithélium. Selon les antigènes en cause, le passage se fait à travers les entérocytes eux-mêmes ou via les espaces intercellulaires.

Deux hypothèses

Mais ce transfert, qu’il se fasse d’une manière ou de l’autre, ne s’accompagne habituellement pas directement de symptômes. En effet, l’exposition du tube digestif à des antigènes suscite la formation locale d’IgA au niveau de la muqueuse et l’activation des lymphocytes de type CD8 + du GALT (gut associated lymphoid tissue ou tissu lymphoïde associé à l’intestin), qui interviennent dans les processus d’induction de la tolérance. La question est donc de comprendre pourquoi chez certains enfants ce processus ne survient pas et qu’au contraire, on voit apparaître des réactions d’intolérance. Il y a certainement un terrain génétique puisque les enfants de parents atopiques ou allergiques ont un risque accru d’être eux-mêmes allergiques. On a aussi invoqué une insuffisance d’exposition aux bactéries au cours des premiers moments de la vie, avec pour conséquence une maturation post-natale ralentie du système immunitaire. On sait que c’est dans les premières semaines de la vie (en première approximation, au cours de la première année) que s’établit un équilibre immunitaire entre tolérance et allergie et que les bactéries intestinales y jouent un rôle non négligeable. C’est ce qu’on a appelé l’hypothèse hygiéniste. Le lien entre ces deux hypothèses, la génétique et l’hygiéniste, pourrait passer par des variations génétiques sur certains récepteurs sensibles à des produits bactériens. On sait aussi qu’en cas d’infection intestinale, la barrière muqueuse est plus perméable et permet ainsi le passage d’une plus grande variété et de plus grandes quantités d’antigènes, d’origine alimentaire ou infectieuse.

Eviction ou évitement

Le principe de tout traitement à une allergie, quelle qu’elle soit, est l’éviction ou l’évitement. Dans le cas des préparations pour bébés, il s’agit de détruire les allergènes par des traitements physiques ou chimiques divers. En fait, ces conditions auxquelles sont soumises les préparations visent à modifier la structure des épitopes de manière à les rendre inoffensifs. Mais on a vu plus haut que certains de ces allergènes étaient relativement résistants. Pour qu’une préparation infantile puisse être considérée comme hypoallergénique, elle doit être tolérée par 90% au moins des enfants qui sont allergiques à la protéine mère dont la préparation est dérivée. Les laits partiellement hydrolysés à base de lactosérum (Partially hydrolyzed whey formulas ou PHWF) provoquent des réactions chez environ un tiers des enfants allergiques au lait de vache. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme hypoallergéniques. Par contre, c’est le cas des laits hypoallergéniques de type «formule intensivement hydrolysée» ou «extensively hydrolyzed formulas» (EHF), dérivés des caséines bovines ou de lactosérum : ils sont acceptés par près de 95% des enfants allergiques au lait de vache. Les formules dites élémentaires, préparées à base d’acides aminés libres synthétiques, sont tolérées par presque tous les individus, y compris ceux qui sont allergiques aux EHF.

Dr Jean Andris

Références:

Bahna SL. Hypoallergenic formulas: optimal choices for treatment versus prevention. Ann Allergy Asthma Immunol 2008; 101(5): 453-9; quiz 459-61, 481.

Hong X, Tsai HJ, Wang X. Genetics of food allergy. Curr Opin Pediatr 2009; 21(6): 770-6.

Nocerino A. Protein Intolerance. Medscape 
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En anglais, consulté en mai 2011.

Yu LC. The epithelial gatekeeper against food allergy. Pediatr Neonatol 2009; 50(6): 247-54.




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