Les glandes oubliées

20/04/2011
Article

Il est classique de dire que l’on possède trois paires de glandes salivaires : parotides, sous-maxillaires et sublinguales. Les premières libèrent une sécrétion séreuse, contenant notamment diverse enzymes impliquées dans une première digestion des aliments. La troisième paire produit avant tout du mucus, qui sert entre autres à la lubrification des aliments. Et les sous-maxillaires fabriquent une sécrétion mixte. Mais tout n’est pas dit avec cela car ce serait oublier les milliers de glandes salivaires microscopiques dispersées dans toute la muqueuse de la bouche et de la langue et qui contribuent de manière non négligeable à la composante muqueuse de la salive. Au total, la production est de l’ordre de 1,5 litre de salive par jour mais le débit varie au cours des 24h.

Mélange aux multiples rôles

La salive est donc un mélange des sécrétions des différentes glandes. Faite de 95% d’eau, elle contient des ions en abondance, des enzymes, des facteurs de croissance, des facteurs de défense contre les agents infectieux (lysozyme, anticorps, ...). Les glandes salivaires sont sous le double contrôle ortho- et parasympathique du système nerveux autonome. L’innervation parasympathique renforce la sécrétion tandis que sous l’effet de l’innervation orthosympathique le débit diminue. Des stimulations psychiques (évocation des aliments), mécaniques (mastication), gustatifs, olfactifs etc. peuvent augmenter la sécrétion. Ses rôles sont multiples (voir tableau) et leur seule énumération permet de comprendre combien une sécrétion suffisante et de composition correcte est précieuse pour la santé.

 

  • Rôles de la salive
    • Lubrification et protection
    • Effet tampon
    • Contribution au goût
    • Dilution et nettoyage
    • Maintien de l’intégrité des dents
    • Activité antibactérienne
    • Réparation des tissus
    • Digestion chimique

     

    De nombreux facteurs peuvent modifier à la baisse ou à la hausse l’abondance de la sécrétion salivaire : niveau d’hydratation individuelle, posture corporelle, cycles biologiques, médicaments, tabac, alcool, exercice physique, maladies systémiques, âge, sexe,... Etant donné l’importance d’une bonne sécrétion, ce sont là autant de circonstances dans lesquelles il faut rester attentif au débit salivaire.

    Sécrétion insuffisante

    On parle d’hyposialie lorsque le débit est diminué mais qu’il persiste une sécrétion, tandis que l’asialie vise l’absence de sécrétion. Ces anomalies de la sécrétion sont à l’origine d’une sécheresse de bouche ou xérostomie. Il ne faut pas sous-estimer la fréquence de la xérostomie, qui oscille selon les situations et les modes d’estimation entre 0,5 et ... 20% de la population! Cette fréquence augmente avec l’âge et on retrouve une xérostomie chez près de 30% des personnes de plus de 65 ans. Sur le plan symptomatique, le patient éprouve des difficultés à parler, à mastiquer et à déglutir. Il éprouve le besoin d’humidifier constamment sa bouche, éventuellement en suçant des bonbons. Il est gêné pendant les repas et peut ressentir violemment les épices et les aliments acides. A l’examen de la cavité buccale, les muqueuses apparaissent sèches et plus rouges que normalement. La langue est souvent dépapillée, vernissée, pâteuse voire fissurée. Telles fissures sont douloureuses et peuvent conduire à de véritables ulcérations. Quant à la salive, elle est rare ; épaisse, filante ou absente, même lorsqu’on exerce une pression sur les orifices des conduits salivaires. Une hyposialie peut avoir pour conséquences des infections buccales, des troubles alimentaires, des difficultés psychologiques (perte du plaisir) et sociales (retrait de la vie sociale). Ces faits sont en général suffisamment parlants mais si on a des doutes, on peut demander au patient de mettre sous sa langue un morceau de sucre de taille moyenne. Il doit fondre en trois minutes et si le délai est plus long, c’est qu’il souffre d’hyposialie. Des tests plus élaborés (sialométrie, imagerie, biopsie, ...) peuvent être nécessaires.

    Compenser les fonctions

    Plusieurs types de traitement sont possibles. On peut stimuler localement (chewing gum, bonbons mentholés, ...) ou par voie systémique la sécrétion salivaire. Les succès sont variables et les stimulations mécaniques ne peuvent fonctionner la nuit. On peut aussi pratiquer des rinçages ou des bains de bouche fréquents mais ce n’est guère aisé si on est loin de chez soi. La troisième solution - et la plus simple en même temps – consiste à proposer au patient des substituts salivaires. Mais il faut un substitut dont la composition soit aussi proche que possible de celle de la salive naturelle et non pas une simple solution qui ne ferait qu’humidifier et éventuellement déposer sur la muqueuse un film protecteur. Il faut que la plus grande partie possible des multiples fonctions de la salive évoquées plus haut soit compensée. Le choix d’un substitut n’est donc pas un geste anodin. Il peut avoir une très grande importance pour le patient, tant au niveau de sa santé buccale et générale qu’au niveau de sa qualité de vie.

    Jean Andris

    Références:

    Bodineau-Mobarak A, Folliguet M. Prise en charge d’une hyposialie. Soins gérontologie 2008; 13(73): 43-4.
    DOI : SGER-09-2008-00-73-1268-6034-101019-200808705

    Cours de médecine. La sécrétion salivaire
    Consulter l'article
    En français, consulté en avril 2011.

     



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