Oméga-3 : des plaques plus stables

13/01/2006
Article

La plaque d’athérome, constituée d’un amas de cellules mortes riche en cholestérol, la « bouillie » athéromateuse, est recouverte d’un coiffe fibreuse qui la sépare du flux sanguin. Selon son épaisseur, cette coiffe est garante de la stabilité de la plaque ou, au contraire, est responsable de son instabilité. Dans cet amas, des cellules inflammatoires – monocytes et macrophages - sont plus ou moins actives, libérant des médiateurs et des enzymes protéolytiques. Par l’effet de ces médiateurs, dont fait partie le Tumor Necrosis Factor alpha (TNFα), elles s’attirent ou s’activent mutuellement ou encore entrent en apoptose (mort cellulaire programmée). Quant aux enzymes, des métalloprotéinases (MMP) de la matrice, elles s’attaquent au collagène présent dans la plaque, notamment au niveau de la coiffe fibreuse. Heureusement, des inhibiteurs tissulaires (TIMP) de ces protéinases sont également libérés.

Stable ou instable?

La stabilité de la plaque est donc non seulement déterminée par la structure de sa coiffe. Elle dépend également de l’importance de l’activité cellulaire et enzymatique qui règne en son sein, ainsi que de la quantité des inhibiteurs des MMP présents sur place. Lorsque cette coiffe est rompue, la bouillie peut se répandre dans le torrent circulatoire et constitue une embolie athéromateuse. A moins d’un lâcher massif, cet accident ne conduit pas à l’obstruction d’un vaisseau important, sauf localisation particulière (coronaires par exemple). Ce qui est sans doute plus redoutable, c’est que la rupture a mis à nu des matériaux hautement thrombogènes. Il s’ensuit la formation sur place d’un caillot important susceptible, lui, de causer une obstruction artérielle ou une embolie majeure.

On a rapporté des effets protecteurs d’une consommation élevée d’acide gras oméga-3 contre la rupture de la plaque athéromateuse. La sécrétion des métalloprotéinases (MMP) de la matrice par les macrophages est considérée comme un processus clé de la dégradation de la matrice sous-jacente à l’instabilité de la plaque. Par contre, les inhibiteurs tissulaires de ces protéinases contribuent, eux, à la stabilité de la plaque. Masaro et al. (Italie) ont étudié les effets des acides gras oméga-3 sur la libération et l’activité des MMP et de leurs inhibiteurs par des cellules de type monocytaire en culture. Ils ont provoqué la différenciation de ces cellules en macrophages par exposition des cultures à des facteurs adéquats. Ensuite les deux types cellulaires (cellules monocytaires et macrophages) ont été traitées pendant 48h avec du DHA et de l’EPA, ce qui représente un contact de longue durée avec ces acides oméga-3. Finalement, les cultures ont été stimulées pendant 24h par du TNFα., un médiateur de l’inflammation qui provoque notamment un renforcement du processus inflammatoire.

Libération d’enzymes et d’inhibiteurs

La libération de gélatinase A (MMP-2), de gélatinase B (MMP-9), de collagénase (MMP-1), de TIMP-1 et de TIMP-2 a été mesurée dans les surnageants de ces cultures ainsi traitées. Les activité gélatinase totale et anti-gélatinase ont également été mesurées. Les résultats montrent qu’une exposition de longue durée des monocytes et macrophages aux acides gras oméga-3 diminue de manière significative la libération de MMP-9 par ces cellules, en comparaison avec des cellules ayant été cultivées en l’absence de ces lipides. La production de MMP-1 et de MMP-2, ne sont pas modifiées. Au total, on retrouve donc une moins grande quantité de ces enzymes dans le surnageant. Par contre, la production de TIMP-2 est augmentée de manière significative par les deux acides gras, alors que celle de TIMP-1 est inchangée. Il y a donc au total plus d’inhibiteurs des métalloprotéinases de la matrice dans le milieu. On ne trouve pas ces résultats avec l’acide arachidonique (oméga-6). La diminution de la quantité d’enzymes destructrices de la matrice et l’augmentation de leurs inhibiteurs pourrait expliquer un rôle protecteur des oméga-3 cotre la rupture de la plaque. C’est ce qui semble se passer dans l’organisme humain.

Le mieux, c’est de voir

Les techniques avancées d’imagerie médicale, notamment le scanner, permettent de détecter avec grande précision les plaques athéromateuses présentes sur les artères coronaires. Katayama et al. (Japon) avaient déjà montré qu’un rapport plus élevé AA/EPA était en relation avec un plus grand nombre de plaques instables détectées en angiographie coronaire en cas de syndrome coronaire aigu. Ces auteurs ont basé leurs recherches sur ces données issues de leurs propres recherches et allant dans le même sens que les résultats précédents, dont elles constituent en quelque sorte l’image en miroir. Ils ont utilisé le CT multibarettes, qui donne des images très précises, pour tenter de voir si le volume des plaques est également en rapport avec l’équilibre des PUFA.

Ils ont donc enrôlé dans leur étude 93 patients admis pour un premier infarctus du myocarde. Ces patients ont subi des examens sanguins permettant de mesurer leurs taux d’acide di-homo-gamma-linoléique, d’acide arachidonique (AA), d’acide eicosapentaénoïque (EPA), d’acide docosahexaénoïque (DHA) ainsi que des facteurs de risque classique tels que le cholestérol total, les triglycérides, le HDL-cholestérol, le LDL-cholestérol, le glucose, l’hémoglobine glyquée et l’acide urique. Une semaine après leur admission, ces patients ont subi un examen coronaire au scanner avec milieu de contraste. Les images en 3D ont été reconstituées, de même que des images calculées dans différents plans de coupe. La quantité de plaques molles et de plaques calcifiées présentes dans les principaux segments de artères coronaires et traduite sous forme de score.

En faveur des oméga-3

Ces scores ont été confrontés aux facteurs de risque coronaires et aux valeurs des PUFA sanguins. L’analyse statistique a montré que les scores en question étaient significativement reliés au taux d’EPA et de DHA, ainsi qu’au rapport AA/EPA. Par contre, les facteurs de risque classiques ne montraient pas de corrélation avec le score des plaques. De même, le rapport AA/EPA ne montrait aucune corrélation avec les facteurs de risque classiques. Cela tend à faire penser que ces facteurs de risque classiques et facteurs liées au profil des PUFA sont indépendants les uns de autres.

Reste, bien entendu, à expliquer pourquoi il en est ainsi. Mais de toutes façons, les faits plaident en faveur des oméga-3. On peut donc sans doute verser à leur actif dans le dossier, non seulement une protection contre la formation de la plaque athéromateuse, mais encore une protection probable contre sa rupture. Par la même occasion, l’intérêt du CT-scan dans la détection et le localisation des plaques d’athérome chez les patients victimes d’un infarctus aigu est bien mis en évidence.

Dr Jean Andris

Références
Katayama Y et al. Circulation 2005; 112 (suppl II): abstract 1496
Massaro M et al.. Circulation 2005; 112 (suppl II): abstracts 629




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