Obésité : l'école, laboratoire du changement

13/01/2005
Article

Tout va plus vite ! Tout comme le diabète de type 2, qui touche les adultes de plus en plus jeunes et même certains adolescents, l’obésité gagne du terrain chez l’enfant, ce qui n’est pas de bon augure pour les adultes de demain. À défaut de pouvoir inverser complètement le phénomène, ce qui pour l’heure serait utopique, c’est la stabilisation de la prévalence de l’obésité infantile à son niveau actuel qui constitue un objectif prioritaire.

Question de méthode

Certains sont adeptes des méthodes « fortes », comme la suppression des distributeurs de boissons sucrées dans les écoles, ou des mesures dissuasives telles que la taxation de denrées considérées comme « diététiquement non correctes ». Avec cependant des obstacles majeurs qui se posent : s’il est souhaitable de développer le goût pour l’eau comme première boisson chez l’enfant, et de favoriser un environnement alimentaire sain dans les écoles, on peut s’interroger sur la pertinence de la méthode des « interdits », qui a déjà montré certaines de ses limites. Elle ne vaut guère mieux que celle qui constitue à forcer un enfant à manger des aliments sains, comme les légumes. Dans le premier cas, on augmente le niveau de désir pour l’aliment interdit, dans le second, on assimile les légumes à une contrainte, ce qui favorise le détournement pour ces aliments… Heureusement, d’autres misent plus sur des méthodes de fond, où l’éducation nutritionnelle représente le fer-de-lance.

Villes Epode

EPODE, qui signifie Ensemble, Prévenons l’Obésité Des Enfants, est une expérience qui a pour but d’enrayer la progression de l’obésité, et qui se met en place dans 10 villes françaises, totalisant plus de 500 000 habitants. Une des pièces maîtresses de cette mécanique est un socle scientifique solide, puisqu’il s’agit des recommandations du PNNS (Programme National Nutrition Santé). Cela permet d’organiser une synergie des actions et de fédérer les intervenants autour d’un discours commun, validé scientifiquement (et qui, pour l’instant, fait cruellement défaut dans notre pays).

Les actions de prévention primaire s’adressent aux familles, aux enseignants, aux partenaires économiques et aux élus de la ville. Réunions, livrets, affichettes, intervention dans les médias… sont réalisés pour informer les acteurs locaux, des professionnels de santé, des enseignants, des familles. Les enseignants reçoivent une information privilégiée pour s’inscrire dans le fil rouge, tout en évitant qu’ils se substituent aux médecins où qu’ils délivrent des messages trop normatifs qui seraient contre-productifs. Des outils pédagogiques leur permettent d’intégrer dans leurs cours une formation à l’alimentation diversifiée et équilibrée, en l’abordant de manière positive, sans « interdits » et sans même parler de l’obésité.

Écoles actives

Pour faire bouger les petites têtes blondes, les écoles se voient proposer des transformations des cours de récréation pour favoriser quinze à trente minutes d’activité physique spontanée quotidienne sous forme de jeux. Des efforts sont menés au niveau de la restauration scolaire, des espaces thématiques ludoéducatifs sont mis en place avec des diététiciens pour apprendre aux enfants à cuisiner les fruits, les légumes, leur permettre de réaliser des ateliers du goût…

Chaque année, une Semaine de la Nutrition et de l’Activité Physique et Sportive est proposée dans les villes, ce qui contribue à sensibiliser et à motiver les démarches autour de la nutrition et de l’activité physique. Les Maires des villes participantes doivent bien entendu être particulièrement motivés, et ils désignent un chef de projet, qui est financé par la ville, et qui coordonne l’ensemble des interventions dans la ville.

Epode mène aussi des actions de prévention secondaire, qui favorise la prise en charge des enfants obèses ou à risques. Dans le cadre de l’évaluation du projet, tous les enfants sont pesés et mesurés une fois par ans, ce qui permettra, tous les 5 ans, de faire le point sur l’évolution de la prévalence de l’obésité dans les villes Epode.

Scores nutritionnels

Bien que la méthode Epode n’a pas encore apporté la preuve de son efficacité, elle s’appuie sur l’expérience de Fleurbaix Laventie ou « Ville santé », qui a, elle, déjà porté ses fruits. Ces deux villes du Pas-de-Calais avaient été choisies en raison d’une prévalence de l’obésité deux fois plus élevée que dans d’autres régions du pays et une surmortalité cardiovasculaire. Elles constituent, depuis 1992, un terrain expérimental unique pour la prévention santé.

La première expérience de Fleurbaix Laventie consistait à déterminer si une information nutritionnelle donnée en milieu scolaire par les enseignants et intégrée dans le cadre des programmes officiels donnait des résultats. C’est le cours de biologie qui servait de vecteur de la matière, et de témoin dans deux autres villes témoins pour toutes les autres matières testées autres que la nutrition. Les scores obtenus à Fleurbaix Laventie pour les connaissances en nutrition (critique d’un repas sur son équilibre, composition de certains aliments, réalisation d’un repas équilibré…) se sont avérés être significativement supérieurs à ceux des villes témoins (53,1 % de bonnes réponses, contre 42,2 %).

Changer les habitudes

On sait ce qu’il faut faire, mais ne fait pas forcément ce qu’il faut ! Une meilleure connaissance de la nutrition des enfants de Fleurbaix Laventie a-t-elle des répercussions dans l’assiette ?

Une évaluation de l’alimentation des enfants a été effectuée avant et quatre ans après l’intervention. Celle-ci montre qu’il y a effectivement des modifications mesurables. Ainsi, les faibles consommateurs de beurre (moins de 125 g par semaine et par famille) ont doublé, alors que dans les villes témoins, l’augmentation était deux fois plus faible. Les apports lipidiques dans la ville santé sont plus variés, avec moins de biscuits apéritifs, de barres chocolatées, de pizza ou de quiches, de croissants fourrés, que dans les villes témoins. Et la fréquence de consommation des frites a diminué de 30 %, contre 14 % dans les villes témoins. Le nombre de consommateurs de légumes secs à augmenté (les enfants faisaient connaissance avec ces aliments à l’école, et les ramenaient à la maison). Par contre, l’apport en fruits ou en poisson n’a pas bougé.

Changer le poids

Ces différents changements ont-ils des répercussions sur le poids ? Les filles de Fleurbaix et Laventie ont un apport énergétique légèrement plus faible (1768 kcal/j versus 1888 kcal/j dans les villes témoins), qui tient surtout à une consommation plus faible de lipides (75 g/j versus 81 g/j) et de protéines (66 g/jour versus 70 g/j).

Chez les femmes, le BMI moyen est significativement plus bas (23 kg/m² versus 24 kg/m²). Mais surtout, chez les garçons, la prévalence du surpoids et celle de l’obésité n’a pas changé entre 1992 et 2000. Chez les filles, les chiffres affichent une tendance non significative à l’augmentation de la prévalence du surpoids et de l’obésité. Des résultats qui peuvent être considérés comme un succès, sachant qu’un des objectifs majeurs du PNNS porte précisément sur la stabilisation de la prévalence du surpoids et de l’obésité infantile à son niveau actuel. Et c’est aussi ce qui a motivé l’extension du projet aux villes Epode

Coaching au bout du fil

Une nouvelle phase qui se déroule actuellement à Fleurbaix Laventie consiste à proposer à chaque habitant, tous les deux ans, un bilan de santé. Sur base des données alimentaires de ce bilan, une diététicienne commente les résultats au domicile familial, en donnant des conseils pour toute la famille. Et pour les personnes qui le souhaite ou qui sont dans une situation à risque, elles bénéficient d’un suivi téléphonique régulier par une diététicienne.

Le médecin traitant qui prend en charge une personne en excès de poids peut ainsi proposer ce service de coaching, qui vise à encourage l’adoption des grands principes du PNNS, à savoir augmenter la consommation de fruits et de légumes, de calcium, réduire les apports lipidiques, augmenter les apports glucidiques et augmenter le niveau d’activité physique en pratiquement au moins l’équivalent de 30 minutes de marche rapide par jour.

Taxes ou pas taxes ?

Faut-il envisager, à l’instar de ce qui se fait sur le tabac, de taxer les aliments trop gras et/ou sucrés ? L’idée fait bien entendu bondir tout un secteur, et le consommateur ne semble pas très chaud pour de telles mesures. C’est ce qui ressort d’une étude menée auprès de consommateurs européens (Cf. Health and Food n° 67), ainsi que d’une autre enquête effectuée récemment auprès de 1047 ménages américains par RTI International, un institut de recherche non lucratif basé en Caroline du nord. Généralement opposés à la taxation du « junk food », les répondants acceptent généralement bien l’idée de restreindre la disponibilité d’aliments peu sains dans les distributeurs des écoles et les cafeterias. Mais toute forme de taxe n’est pas rejetée : ainsi, plus de 70 % déclarent accepter une taxe sur les revenus de 25 $ pour participer à des programmes d’intervention conte l’obésité infantile financés par le gouvernement ou les écoles. Rien ne dit qu’il en soit de même ne Belgique, mais toujours est-il que si c’est le cas, il y aurait de quoi mettre du beurre dans les épinards très secs de nos programmes de prévention.

Nicolas Guggenbühl

Syndrome X et mémoire

Le syndrome métabolique ou syndrome X est lui aussi particulièrement redoutable pour la santé cardiovasculaire. Pour la première fois, une étude établit clairement un lien avec le déclin des capacités mentales des chez la personne âgée (1). Plus de 2600 sujets de plus de 40 ans ont été enrôlés dans une étude prospective d’une durée de 5 ans. Les auteurs ont évalué les fonctions cognitives avec l’aide du test « eng Modified Mini-Mental State Examination », qui mesure l’orientation, la concentration, la mémoire, et d’autres facteurs mentaux. Au début de l’étude, tous les participants affichaient un score supérieur à 90 (sur une échelle de 100). Une perte d’au moins 5 points après 5 ans signait le déclin des fonctions cognitives.

L’expérience montre que la prévalence des déclins cognitifs est significativement plus élevée chez les personnes présentant un syndrome métabolique (où elle est de 26 %), que chez ceux qui en sont exempts (21 %). En outre, parmi ceux atteints d’un syndrome métabolique, les participants qui affichent des marqueurs de l’inflammation élevés sont également plus affectés par le déclin des fonctions cognitives (30 %), que ceux affichant un faible niveau d’inflammation.

Alors que l’importance de la composante inflammatoire dans les maladies cardiovasculaires est relativement bien établie, de plus en plus de données suggèrent qu’il est va de même pour la maladie d’Alzheimer. Les stratégies diététiques capables de contrôler les phénomènes inflammatoires pourraient dès lors s’avérer d’un précieux recours non seulement pour la santé du cœur, mais aussi celle du cerveau.

Régime méditerranéen

L’alimentation méditerranéenne a acquis ses lettres de noblesse dans la santé cardiovasculaire, mais certains travaux ont aussi rapporté des effets favorables sur le déclin des fonctions cognitives. À l’heure où le syndrome métabolique connaît une ascension fulgurante dans de nombreux pays, il n’est pas inutile de rappeler que cette alimentation méditerranéenne peut être salvatrice. C’est ce qui a été montré récemment dans une étude randomisée publiée dans le JAMA (2).

Des chercheurs italiens ont comparé, chez des personnes présentant un syndrome métabolique, les effets d’une alimentation de type méditerranéen à ceux d’un régime « prudent » classique. Nonante femmes et hommes du groupe méditerranéen ont bénéficié de conseils pour majorer leur apport en céréales complètes, fruits et légumes, noix et huile d’olive. Dans l’autre groupe, nonante personnes ont suivi l’alimentation « prudente », avec moins de 30 % de l’énergie provenant des lipides, 50 à 60 % des glucides et 15 % des protéines. Les deux groupes ont en outre accru de façon comparable leur niveau d’activité physique.

Moins d’inflammation

Après deux ans d’intervention, le poids a diminué de façon plus marquée dans le groupe « méditerranéen » (- 4 kg versus - 1,2 kg). La protéine C-réactive ultrasensible, utilisée comme marqueur de l’inflammation, les interleukines pro-inflammatoires IL- 6, IL-7 et IL-18 et la résistance à l’insuline ont également diminué. La fonction endothéliale est restée inchangée dans le groupe « prudent », alors qu’elle s’est améliorée de façon significative dans l’autre groupe. Au bout du compte, dans le groupe « méditerranéen », il ne restait que 40 patients atteints du syndrome métabolique, contre 78 dans l’autre groupe…

Décidément, le régime méditerranéen, qui tend à s’occidentaliser en bordure de la Grande Bleue, reste très prometteur face aux défis santé modernes.

Les myrtilles, nutraceutique du futur ?

Les myrtilles, surtout lorsqu’elles sont sauvages, sont connues pour êtres riches en différents antioxydants. Des chercheurs de l’US Department of Agriculture se sont intéressés tout particulièrement au ptérostilbène, un antioxydant des myrtilles, similaire au resvératrol retrouvé dans les raisins et le vin. Leurs travaux, présentés lors de la 228e rencontre nationale de l’American Chemical Society (Philadelphie, le 23 août 2004), consistaient à exposer à différents composés des cellules hépatiques de rats.

Les chercheurs ont constaté que le ptérostilbène possédait le plus fort potentiel pour activer les récepteurs cellulaires PPAR-alpha, qui sont impliqués dans la réduction du cholestérol et d’autres lipides. D’après eux, cette activité est similaire à celle du ciprofibrate, médicament utilisé pour réduire le cholestérol LDL et les triglycérides, sans présenter les effets secondaires de celui-ci.

Cela ne nous apprend rien sur la quantité de myrtilles qu’un homme devrait ingérer quotidiennement pour obtenir un effet hypocholestérolémiant intéressant, mais ouvre des perspectives pour des nutraceutiques à base d’extraits de myrtilles

Nicolas Guggenbühl

Nicolas Guggenbühl
Diététicien Nutritionniste




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