Le nouveau règne de l’animal

13/04/2004
Article

En matière de lipides, les produits animaux tels que viande, charcuterie, beurre, fromage… n'ont pas bonne presse. Et pour cause, même s'il existe des viandes maigres, y compris dans le porc, ces denrées ont un profil lipidique peu en phase avec les recommandations nutritionnelles : il y d'abord ce que l'on trouve en excès (les acides gras saturés, nettement dominants), mais on peut aussi déplorer ce qui se trouve trop discret (les acides gras essentiels).

Cependant, le paysage des denrées alimentaires est en perpétuelle évolution, et le concept qui assimile les graisses végétales aux « bonnes graisses » et les graisses animales aux « mauvaises graisses » est devenu obsolète. Il existe une multitude d'aliments contenant des graisses végétales hydrogénées, source d'acides gras saturés et de « trans », et de nombreux substituts de viandes sont confectionnés à l'huile de palme, et délivrent plus de lipides totaux et d'acides gras saturés que les muscles squelettiques (viandes). Et l'arrivée de produits animaux « reprofilés », tels que laitages et viandes, amène à revoir certains jugements…

Voici le mois de mai

Pour le lait, tout est parti d'une observation déjà ancienne : le lait de printemps, produit lorsque les vaches broutent l'herbe bien grasse, n'est pas seulement plus savoureux de goût et légèrement plus coloré de par la présence de caroténoïdes : son profil lipidique diffère sensiblement de celui du lait récolté lorsque la vache n'est pas en pâture : le lait de mai contient moins d'acides gras saturés, plus d'acides gras insaturés. Et surtout, il recèle 3 fois plus d'acide d'acide alpha-linolénique (C18:3 oméga-3) et 4 fois plus de CLA (Acides Linoléiques Conjugués) que le lait d'hiver.

Pour le CLA, précisons qu'il s'agit surtout du C 18:2 9c 11t ou acide ruménique, un acide gras trans qui semble doté de plusieurs effets bénéfiques, notamment dans le cadre de la prévention du cancer du sein (et dont les effets diffèrent d'un autre CLA, le C 18:2 c10 12t, obtenu surtout par hydrogénation d'huiles végétales).

La magie de l'extrusion

Bien que les vaches de toute l'Union Européenne ne mangent désormais plus de farines animales, elles ne sont pas pour autant nourries à l'herbe toute l'année. Et pourquoi ne pas améliorer la composition de leur nourriture pour tenter de reproduire ce que la nature fait au printemps ? C'est ce qu'a entrepris avec succès une firme belge (Interagri-Dumoulin), en élaborant une alimentation végétale à base de graines de lin extrudées (le lin est particulièrement riche en C18:3 n-3). L'extrusion permet en effet d'atteindre l'équilibre entre une biodisponibilité suffisante des acides gras (ce qui n'est pas le cas si la graine est donnée entière) tout en limitant les oxydations intempestives qui surviendraient avec de l'huile de l'huile de lin). Avec pour résultat une amélioration significative du profil lipidique du lait, mais aussi de fromages, beurre, crème... dérivés de ce lait. Et de plus, il semble que la vache en raffole !

Chacun sa place

La modification de l'alimentation des animaux pour améliorer la qualité des produits qui en sont dérivés est une voie en plein essor, qui ne se limitera probablement pas aux lipides. Elle est déjà appliquée depuis plusieurs années à certains œufs (Columbus) et s'étend progressivement, avec quelques nuances, à d'autres œufs, mais aussi à la viande bovine, porcine, ainsi qu'au poulet de chair. Ces aliments présentent un » plus » en matière de santé, pour autant toutefois qu'ils gardent une place compatible avec les principes d'une alimentation équilibrée. Ils ne remplacent pas le poisson, et du lard, même plus riche en oméga-3, reste du lard…

Nicolas Guggenbühl




Recherche


Dernières publications


Livres


Inscription à notre newsletter