Prébiotiques : plus que des fibres alimentaires

13/04/2003
Article

Forte de dizaines de milliards d’âmes, la flore intestinale digère tout ou presque. A l’exception de la lignine, toutes les fibres alimentaires peuvent servir de substrat à la biomasse bactérienne, à des degrés de fermentation différents. En une journée, le côlon engloutit de 40 à 100 g de matières fermentescibles, réparties entre les principales espèces microbiennes qui l’habitent. Certaines bactéries bénéfiques y trouvent l’engrais organique nécessaire à leur croissance sélective, notamment Lactobacillus spp. et Bifidobacterium spp. On parle alors de prébiotique.

La famille

Plusieurs candidats se bousculent au portillon pour revendiquer un effet prébiotique, explique le Prof. Nathalie Delzenne (UCL) : l’inuline et l’oligofructose (fructo-oligosaccharides, ou FOS), mais aussi les galacto-oligosaccharides (GOS) du lait maternel, les xylo-oligosaccharides, les oligosaccharides des fèves de soja (raffinose, stachyose), voire certains types d’amidons résistants (banane, pomme de terre, légumineuses…). Plusieurs facteurs modulent cependant l’effet prébiotique. Dans le cas des fructo-oligosaccharides, par exemple, les longues chaînes (inuline) exercent un effet bifidogène plus marqué que les courtes chaînes (oligofructose). Précisons aussi que l’augmentation du nombre de “Bifidus” obtenu avec les FOS dépend de la composition initiale de la flore (elle est d’autant plus élevée que le nombre de départ est bas). Autrement dit, il se pourrait que les bénéfices santé soient d’autant plus grands pour les tubes digestifs qui contiennent peu de bifidus.

Le côlon aux petits soins

La modification de la flore colique par les prébiotiques a des retombées positives sur leur environnement immédiat, le côlon. Ainsi, ces nutriments coliques peuvent agir de manière favorable, aussi bien sur une muqueuse saine qu’un épithélium altéré. Sur un intestin en bonne santé, souligne le Prof. Delzenne, on constate une augmentation de la densité épithéliale et de la profondeur des cryptes, soit un accroissement considérable de la surface d’absorption. Une colite induite chez le rat semble se réparer plus facilement en présence d’oligosaccharides non digestibles, tout comme l’entérocolite nécrosante chez les cailles gnotobiotiques (flore contrôlée, dans ce cas avec une diminution des Clostridia et augmentation des bifidobactéries). 
Le métabolisme des colonocytes tire aussi avantage de l’activité sécrétoire des “bonnes” bactéries lactiques. Le butyrate, un acide gras à courte chaîne issu de la fermentation, exerce un effet trophique sur la muqueuse intestinale. Mais l’effet le plus remarquable de cet acide gras se manifeste toutefois sur cellules (pré)néoplasiques : entre autres, détoxication, synthèse de marqueurs de différenciation, inhibition d’oncogènes, augmentation de l’assimilation du calcium, stimulation du GALT (Gut Associated Lymphoid Tissue) ou induction de l’apoptose.

SYNCAN

Les prébiotiques préviennent-ils le cancer colique ? 
La question est posée et n’a toujours pas de réponse. Un projet européen, SYNCAN (pour SYNbiotics and CANcer prevention in humans), a pour ambition d’étudier l’impact de la combinaison des prébiotiques et des probiotiques (ou synbiotiques), sur l’incidence du cancer colorectal. Il mobilise l’énergie de plusieurs laboratoires européens (7 pays, dont la Belgique) dans tous les domaines de la recherche : études in vitro, in vivo, essais cliniques et études d’intervention. Mise sur pied en mars 2000, la plate-forme espère aboutir à court terme sur une étude européenne d’envergure chez l’homme.

Infos : http://www.syncan.be

Nourrir le côlon pour manger moins ?

Les bifidobactéries et les lactobacilles elles-mêmes auraient aussi un potentiel anticancérigène, via l’ inhibition de certaines enzymes (bêta-glucuronidases, nitroréductases). Plusieurs travaux sont néanmoins encore nécessaires avant de pouvoir affirmer leur potentiel antitumoral. Des recherches sont aussi en cours dans des domaines tels que l’intestin irritable, la nutrition entérale et les maladies inflammatoires chroniques, pour lesquelles on a déjà relevé l’intérêt de quelques probiotiques, et où l’on envisage celui des prébiotiques. D’autres effets prometteurs des prébiotiques soulèvent aujourd’hui un nouvel enthousiasme. Ils influenceraient, chez l’animal, la fonction endocrine du côlon, par la production de peptides intestinaux à vocation satiétogène (GLP-1, PYY) ou orexigène (Ghréline). L’effet des “fibres alimentaires” sur la régulation de l’appétit et de la satiété est donc une voie qui se précise (et se complique) peu à peu…

Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste

* 5e Congrès de Nutrition et Santé. Palais des Congrès, Bruxelles. Novembre 2002




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