Graisse virtuelle, bénéfices réels ?

10/11/2000
Article

Nom commun : olestra. Nom scientifique : polyester de sucrose. L'olestra est à la diététique ce que la "Bêtise de Cambrai" est aux confiseries : leur carrière alimentaire est le fruit du hasard. En effet, c'est en cherchant à mettre au point des graisses particulièrement bien assimilées destinées à servir de source énergétique de choix en milieu hospitalier qu'est né l'olestra. Le résultat est aux antipodes de l'objectif initial, puisque cette pseudo-graisse n'est justement pas assimilée, ce qui lui confère une valeur énergétique nulle. Il aura fallu à Procter & Gamble, père de l'olestra, attendre plus de 25 ans pour que la FDA accorde finalement, en 1996, son feu vert à la commercialisation de ce "gras zéro calorie".

L'autorisation de la FDA était cependant assortie d'une série de conditions.

  1. Au grand désarroi de certains, l'olestra n'est pas commercialisé comme les autres corps gras ; il ne peut qu'être utilisé par l'industrie agro-alimentaire pour la confection de produits de type snack tels que chips et autres crackers.
  2. Les produits préparés à l'olestra doivent être supplémentés en vitamines A, D, E et K, car sa non-absorption nuit à l'absorption des autres nutriments liposolubles.
  3. L'étiquette doit avertir le consommateur du fait que la consommation importante du produit à l'olestra peut engendrer des "pertes anales".
  4. Un programme de surveillance post-marketing doit permettre un suivi sanitaire.

L'olestra ne fait pas le poids

L'olestra a ses partisans et ses détracteurs qui s'affrontent surtout à coup d'arguments émotionnels plutôt que scientifiques. Quoi qu'on en pense, l'autorisation (sous restriction) de la FDA permet d'écarter tout danger immédiat lié à la présence de ce substitut dans quelques snacks. Elle est le fruit de plusieurs années d'études toxicologiques. Mais l'absence de toxicité ne suffit pas pour faire briller un nouveau produit. Il faut que ce dernier exerce une action favorable sur la santé. C'est en tout cas ce 
que tentent de démontrer, pour l'olestra, un certain nombre de travaux, dont l'interprétation des résultats est ambiguë. 

Le dernier en date s'est intéressé au poids et à la cholestérolémie des consommateurs de produits à l'olestra. Une cohorte de 335 sujets a été suivie, à partir de l'introduction dans leur alimentation de produits à l'olestra, pendant un an (Patterson et al. 2000). Les participants ont été répartis en 4 groupes, en fonction de leur niveau d'ingestion du substitut de graisse : nul, faible, modéré ou élevé. Et de constater que chez les grands consommateurs d'olestra (> 2 g/j), la proportion d'énergie ingérée sous forme de graisses (des vraies !) et d'acides gras saturés est inférieure à celle des non-consommateurs du substitut (2,7 % et 1,1 % respectivement). Les auteurs observent également une légère diminution de la cholestérolémie et concluent que la consommation d'olestra est associée à des changements sains. Mais ce qui est passé sous silence, c'est que ni l'apport énergétique total ni le poids des sujets ne présentait de différence significative entre les deux quartiles extrêmes de consommation d'olestra.

Caroténoïdes en péril !

Une des préoccupations concernant l'olestra reste sont effet inhibiteur de l'absorption de composés liposolubles. Une étude récente conclue qu'il n'y a pas, dans la population, de preuve en faveur d'une association entre la consommation d'olestra et la diminution des concentrations en caroténoïdes et en vitamines liposolubles (Thornquist et al. 2000). Une conclusion "clé sur porte" qui ne reflète que partiellement les résultats de cette même étude. En effet, les auteurs ont constaté que, sur base d'un groupe de 403 sujets suivis pendant 9 mois, les sujets consommant quotidiennement 2 g ou plus d'olestra présentaient une valeur de caroténoïdes sériques totaux inférieure de 15 % à celle qu'ils avaient au début du suivi (avant l'introduction de produits à l'olestra dans leur alimentation). Des résultats qui ne sont pas si brillants, compte tenu de l'effet protecteur potentiel attribué à des taux sériques élevés en caroténoïdes. Précisons que ces "grands consommateurs" sont loin d'être forcément des boulimiques de l'olestra : une poignée de chips (30 g) contient 8 à 10 g de polyester de sucrose !

Nicolas Guggenbühl

Réf. 
Patterson et al. Arch Intern Med 2000; 160(17):2600-4 
Thornquist MD et al. J Nutr 2000; 130(7):1711-8.




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