Que vont devenir les probiotiques?

30/11/2012
Article

On entend beaucoup parler de probiotiques. On a entendu dire également que les allégations concernant ces probiotiques ont été rejetées par les instances européennes. Tous les bénéfices soit-disant apportés par les probiotiques n’étaient-ils donc que du vent? Nous avons demandé au Pr Edouard Louis, chef du service de gastroentérologie de l’Hôpital Universitaire de l’Université de Liège (CHU Sart Tilman) de nous aider à démêler cet écheveau.

 

 

Les dossiers introduits à l’EFSA (European Food Safety Authority) pour Saccharomyces boulardii ont été rejetées parce que cette instance estimait que la souche n’était pas bien caractérisée. Comment faut-il comprendre ce rejet?

 

Le jugement de l’EFSA est très rigoureux. Cette commission attendait des données robustes qui ne lui ont pas été présentées. Le rejet est dû, effectivement, à un défaut de caractérisation de la souche. Cela ne remet en aucun cas en question l’intérêt de la préparation deSaccharomyces boulardii qui a le statut de médicament (Enterol®) car cette souche là est très bien caractérisée. Il ne faut donc pas faire l’amalgame. La raison pour laquelle une souche doit être très bien caractérisée est que les résultats obtenus avec une souche ne sont pas extrapolables à une autre souche. Chacune de ces souches doit faire preuve d’une identité bien définie. En plus de cela, l’EFSA a adopté sa position à propos des compléments alimentaires et non pas à propos des médicaments, dont fait partie Enterol®.

 

Le terme de «probiotique» est considéré en lui-même comme une allégation de santé. Cela signifie-t-il qu’il ne pourra plus être utilisé dans la communication pour des compléments alimentaires qui n’ont pas l’allégation validée par l’EFSA?

 

Le mot de «probiotique» exprime lui-même toute l’idée: c’est un organisme vivant capable de faire du bien à l’organisme lorsqu’il est pris en quantité suffisante. S’il n’apporte pas la preuve d’effets bénéfiques, un organisme ne peut être qualifié de probiotique. Cela ne remet pas en question l’intérêt des probiotiques ni celui de la recherche qui se développe autour d’eux. Mais n’importe quel micro-organisme ne peut pas s’appeler probiotique. Ces nouvelles règles sont donc loin de rejeter les probiotiques: au contraire, elles limitent la dénomination aux micro-organismes qui ont fait leurs preuves.

 

Y-a-t’il un risque de perte de crédibilité pour les probiotiques, y compris pour Saccharomyces boulardii?

 

Le risque est lié à l’amalgame. On a lancé depuis des années toutes sortes d’idées dont certaines sont fausses ou insuffisamment étayées. Ce sont celles-là qui ont été rejetées. Par contre, il faut souligner qu’on n’a jamais été autant convaincu que les pistes de recherche qui sont actuellement explorées sont intéressantes et qu’il y a beaucoup de notions positives à en retirer. Ce que l’agence européenne a voulu faire, c’est le tri entre ce qui est prouvé et ce qui ne l’est pas, entre les souches qui peuvent être validées et celles qui doivent encore apporter leurs preuves. C’est un processus de sélection sévère mais bénéfique.

 

Les probiotiques ont-ils tous la même efficacité?

 

Non, bien sûr! C’est ce qu’on avait cru dans les premiers temps mais en fait tous les micro-organismes qui prétendent au statut de probiotique n’ont pas nécessairement des effets bénéfiques. A la limite, certains pourraient même avoir des effets non souhaitables. Et c’est indirectement la preuve qu’il ne s’agit pas de placebo. Il y a des interactions biologiques entre les probiotiques et leur hôte. Ces micro-organismes exercent aussi des effets métaboliques. Il faut analyser tout cela et c’est précisément ce que fait l’EFSA. Les souches intéressantes, celles qui font leurs preuves, en ressortiront avec une crédibilité renforcée.

 

Quels sont les avantages du médicament par rapport au complément alimentaire?

 

A ce point de vue là, on ne peut pas dire qu’il y a un avantage intrinsèque à une souche, pourvu qu’elle soit bien caractérisée. La différence en faveur du médicament vient surtout des exigences très strictes auxquelles doit répondre le médicament et qui ne concernent pas les compléments alimentaires. Il y a donc des critères différents pour l’une et l’autre des deux catégories. Si un micro-organisme est reconnu comme médicament, cela signifie qu’il est passé à travers un processus de sélection très sévère, constitué de nombreux tests et qu’il a démontré son impact sur une ou plusieurs pathologies. On peut ajouter que les cibles sont différentes: le complément alimentaire s’adresse à des individus sains, tandis que le médicament est destiné à des personnes malades. Cela ne veut pas dire que le complément alimentaire ne peut pas être bénéfique. Mais il s’agit de deux statuts différents.




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