Oméga-3 & maladies de civilisation

24/01/2012
Article

Les acides gras oméga-3 font l’objet d’intenses recherches. Beaucoup de données sont déjà acquises sur leurs effets bénéfiques pour la santé. D’autres notions sont encore en cours d’évaluation ou sont toujours l’objet de controverses

On parle beaucoup depuis quelques années des acides gras oméga-3 et de leur intérêt pour la santé. Il est quelquefois utile de faire le point sur un sujet très débattu et c’est ce que nous nous proposons de faire dans les lignes qui suivent. Nous avons choisi de passer brièvement en revue quelques grands aspects en rapport avec les principales pathologies dont souffrent nos populations.

Bon pour le coeur

A tout « seigneur », tout honneur : on ne s’étonnera pas que nous commencions par les affections cardiovasculaires, premières tueuses dans nos pays industrialisés et même dans le monde. Et on en connaît les facteurs de risque : profil lipidique, sédentarité, tabagisme, etc. Il faut reconnaître qu’au niveau du profil lipidique, de très importants progrès ont été réalisés ces dix ou vingt dernières années, avec l’avènement de médicaments qui diminuent le taux de LDL ou celui des triglycérides. Mais deux notions sont à rappeler. La première est que ces médicaments n’ont de véritable intérêt que s’ils sont précédés et soutenus par des mesures hygiéno-diététiques, dans lesquelles la dimension nutritionnelle occupent une place majeure. La seconde notion importante est celle de risque résiduel. Même avec des mesures alimentaires bien conduites et une amélioration sérieuse et adéquate de l’hygiène de vie, le risque cardiovasculaire n’est pas réduit à zéro. Cela s’explique notamment par le fait qu’on ne dispose pas encore de médicaments qui exercent une influence marquée sur le taux de HDL, qu’il faut relever, ainsi que de moyens qui agissent sur d’autres facteurs de risque (Lp(a) par exemple). Et même sur les triglycérides, l’action des médicaments les plus utilisés reste limitée. Il persiste donc, même en cas de prévention bien conduite, ce que les experts ont appelé un « risque cardiovasculaire résiduel ». Les acides gras oméga-3, ainsi que l’expliquent longuement Pagourelias et al. dans un éditorial de l’Hellenic Journal of Cardiology, contribuent à réduire le risque cardiovasculaire global et c’est la raison pour laquelle l’American Heart Association, comme beaucoup d’autres sociétés scientifiques concernées dans le monde par les affections cardiovasculaires, recommandent une augmentation des apports en oméga-3. Mais ceux-ci peuvent aussi contribuer à diminuer le risque résiduel, notamment par leur effet anti-arythmique et leur apport bénéfique chez les patients en insuffisance cardiaque. On leur reconnaît aussi des effets anti-inflammatoires, qui ont une importance dans la physiopathologie de l’athérosclérose. Leur action hypolipémiante et anti-thrombotique constituent d’autres mécanismes de leur action sur le risque cardiovasculaire.

Sensiblité à l’insuline

Il est impossible d’aborder les maladies cardiovasculaires et d’évoquer les maladies de civilisation sans faire une place dans le débat aux troubles métaboliques que sont l’obésité et le diabète. On a de bonnes raisons de penser, expliquent Martin de Santa Olalla et al dans un article de revue, que les acides gras oméga-3 exercent un effet freinateur sur le développement de l’obésité et du diabète de type 2. Ces actions s’expliqueraient par plusieurs mécanismes différents, qu’il n’est pas possible d’expliquer ici en raison du manque de place. Il faut dire que ces notions sont encore en cours d’évaluation et font même l’objet de controverses. Mais une notion est fréquemment invoquée: une augmentation de la présence des acides gras désaturés dans la membrane des muscles striés aurait un effet favorable sur la sensibilité à l’insuline. Certains travaux suggèrent même que le nombre des récepteurs à l’insuline dans la membrane de la cellule musculaire striée serait accru à la suite d’une augmentation des acides gras polyinsaturés à longue chaîne. Et dans des études où l’on a enrichi l’apport en acides gras polyinsaturés malgré un régime riche en lipides, on a observé une amélioration du métabolisme glucidique. Bien que ces données doivent encore être approfondies et confirmées, on peut encore signaler que chez des sujets normaux, au cours d’une épreuve de tolérance orale au glucose, les taux d’insuline étaient inversement proportionnels aux apports alimentaires en acides gras polyinsaturés et montraient une association positive avec la consommation de graisses saturées.

A creuser…

Reste le troisième grand secteur des maladies de civilisation, celui des cancers. Là encore, les travaux sont abondants mais leurs conclusions globales sont moins claires, tant la démarche est difficile. En dépit de la nécessité d’aller plus avant dans les investigations, plusieurs études ont montré des résultats qui pointent en direction favorable. Ainsi, West et al. ont suivi régulièrement en coloscopie, pour surveiller leur rectum restant après colectomie des patients qui recevaient des suppléments en oméga-3 (n = 287). Ils ont constaté que le nombre et la dimension des polypes qui se développaient chez les premiers étaient moindres que chez les seconds. Et les résultats d’une étude épidémiologique conduite aux USA par Kimet al. à propos du risque de cancer vont dans le même sens.

Etant donné leur fréquence, il est intéressant aussi de se demander ce qu’il en est pour les cancers du sein et de la prostate. En revoyant la littérature sur cette question, Heinze et Actis reconnaissent que certaines études montrent une étroite association inverse entre apports en acides gras polyinsaturés à longue chaîne et la fréquence de ces cancers mais elles ne peuvent arriver à des conclusions d’ensemble vu l’existence de résultats contradictoires. Il faudra donc approfondir. En attendant, la présomption pourrait être positive car expérimentalement, Sun et al. ont au moins pu dégager un mécanisme moléculaire par lequel ces acides gras induisent l’apoptose au sein de cellules de cancer du sein.

Quant aux personnes déjà atteintes de cancer, van der meij et al. ont réalisé une revue de la littérature concernant les effets d’apports en oméga-3 chez des patients cancéreux opérés. Ils en concluent – si on se limite à la voie entérale – que chez de tels patients, un apport accru par voie entérale permet d’améliorer la qualité de vie et facilite le maintien du poids corporel, ce qui est loin d’être négligeable. Un tel apport raccourcirait également la durée de la phase post-opératoire.

Recommandés

Nous ne pouvons donc que conclure avec Gómez Candela et al. Devant l’implication des apports en acides gras oméga-3 (souvent insuffisants dans l’alimentation occidentale) et de leur équilibre avec les apports en oméga-6 (excessifs), ces auteurs considèrent en effet la nécessité de recommander le retour à un rapport plus favorable, ce qui passe par une augmentation de l’ingestion des oméga-3.




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